Tribune libre
Pourquoi priver un secteur industriel de matière première ?
Les fabricants européens de levure continuent de se sentir floués par la réforme de l’OCM sucre et plus encore depuis que la Commission européenne a décidé d’en accélérer le processus, en provoquant des fermetures de sucreries dans des pays compétitifs comme la France, raréfiant la ressource à partir de laquelle s’est bâtie l’une de nos plus anciennes bio-industries : l’industrie de la levure a besoin en effet de mélasses ou, à défaut, de « sucre industriel » qu’elle ne cesse dans ce contexte de payer de plus en plus cher dans l’Union, et ce ne serait pas le moindre des paradoxes qu’elle soit poussée à réaliser ses nouveaux investissements hors de l’Union européenne pour continuer à se développer. Goutte d’eau qui fait déborder le vase et qui a motivé cette « Tribune » : la Commission avait même déclenché un droit sur les mélasses de canne importées il y a moins de trois semaines (droit finalement ramené à taux zéro, il est vrai) après avoir accumulé les signaux négatifs pour cette industrie en ne lui offrant que de fausses alternatives. D’autres mesures seraient plus judicieuses, selon Gérard Blin, le président des levuriers européens (Cofalec), par exemple de permettre à la profession de racheter une ou des sucreries au lieu de les démanteler dans le cadre du plan de restructuration actuel. Sur un trading mondial de la mélasse qui avoisine les 5 millions de tonnes (sur les 50 MT produites au total dans le monde), la levurerie européenne en utilise 10 % en provenance des pays tiers, ce qui couvre à peu près un tiers de ses besoins (qui totalisent). Mais cette proportion risque d’être passablement modifiée dans le contexte de tension actuel.
La Commission européenne a imposé il y a quelques semaines un droit de douane sur les mélasses de canne entrant dans l’Union. Contre la logique, revendiquée par la Commission, de l’orientation par le marché, cette décision venait renchérir encore une fois le coût d’une matière première qui parvient déjà aux usines de levure européennes au double du prix proposé à nos concurrents levuriers de Russie ou d’Ukraine par exemple.