PPL Entraves : l’acétamipride censuré, Macron veut promulguer vite
Le Conseil constitutionnel a censuré, le 7 août, la réintroduction de l’acétamipride prévue par la proposition de loi (PPL) Entraves). Les Sages ont validé presque tout le reste du texte, ouvrant la voie à une promulgation rapide par le président de la République.
Dans sa décision rendue le 7 août, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article 2 de la proposition de loi (PPL) Entraves qui prévoyaient une dérogation à l’interdiction de l'acétamipride (insecticide de la famille des néonicotinoïdes), « faute d’encadrement suffisant ». D’après un communiqué, cette décision se justifie car cette dérogation « était instaurée pour toutes les filières agricoles », « n’était pas accordée à titre transitoire pour une période déterminée » et « pouvait être décidée pour tous types d’usage et de traitement ». « Les produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ont des incidences sur la biodiversité (…), ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine », rappelle le Conseil constitutionnel, qui s’appuie sur la Charte de l’environnement adossée à la Constitution.
Fin 2020, les Sages de la rue Montpensier avaient accepté une précédente dérogation pour les néonicotinoïdes, car elle était « cantonnée au traitement des betteraves sucrières dont la culture était soumise à de graves dangers », « circonscrite dans le temps » et car ses modalités garantissaient « une mise en œuvre limitée » (pas de pulvérisation).
La FNSEA demande un nouveau texte
La décision du Conseil constitutionnel est « un choc, inacceptable et incompréhensible », a déclaré la FNSEA à l'AFP le 7 août. « C'est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions » du droit européen qui autorise l'acétamipride jusqu'en 2033 dans l'UE, a indiqué son vice-président Jérôme Despey. Dans un communiqué commun, les JA et la FNSEA demandent que les articles censurés soient « retravaillés pour que les engagements politiques de l’hiver 2024 soient enfin tenus ». Et d’appuyer : « Nous demanderons que les points censurés soient rapidement repris dans un prochain texte agricole ». Au Sénat, la commission des Affaires économiques s’est déjà dite, par la voix de sa présidente Dominique Estrosi-Sassone, « disponible pour examiner avec le gouvernement et le monde agricole les meilleures solutions pour traiter la distorsion de concurrence ».
Le dossier de l’acétamipride est donc loin d’être refermé. De son côté, le ministre chargé de la Santé Yannick Neuder a appelé le 8 août à « une réévaluation par les autorités sanitaires européennes, sans délai, de l’impact sanitaire » de cet insecticide. « Il s’agit bien de mettre la France au même niveau de principe de précaution que les autres pays européens » (qui autorisent tous cette molécule), a-t-il fait valoir dans un entretien sur France Inter. Et le ministre d’ajouter que « s’il y a un impact sur la santé humaine, il faudra naturellement interdire ce produit » dans toute l’UE. « Il y a des études en cours sur notamment le rôle perturbateur endocrinien potentiel ou neurotoxique » de cet insecticide néonicotinoïde, rappelle M. Neuder. « Le Conseil constitutionnel a retoqué sur des données de santé animale et d’impact environnemental », mais pas en lien avec la santé humaine, considère le ministre.
Le gouvernement se place sur le terrain européen
La ministre de l’Agriculture a elle aussi placé sa réponse sur le terrain européen. Dans un communiqué du 8 août, Annie Genevard indique qu’elle veut « poursuivre le travail auprès de la Commission européenne pour avancer vers une harmonisation des règles phytopharmaceutiques en Europe ». Son but ? « Que les décisions soient prises au niveau européen et non plus au niveau national. » La locataire de la Rue de Varenne souligne qu’elle a déjà reçu « le soutien d’une dizaine d’États membres » et qu’elle compte inscrire ce sujet « à l’ordre du jour des prochains Conseils européens ». Au niveau français, la ministre veut « accélérer les transitions vers des alternatives » aux néonicotinoïdes. « Certaines filières, comme la noisette, sont menacées, insiste Annie Genevard. J’ai demandé à l’Inrae d’identifier les productions en danger. Les résultats seront rendus à la rentrée. »
La réintroduction de l’acétamipride était la mesure la plus controversée de la PPL Entraves, élaborée par les sénateurs Duplomb et Menonville en réponse au mouvement de colère agricole de l’hiver 2023-2024. Mais ce texte comprenait de nombreuses autres mesures : elles ont presque toutes été validées par le Conseil constitutionnel, ouvrant ainsi la voie à une promulgation par le président de la République. Dans leur décision, les Sages apportent deux « réserves d’interprétation » à l’article 5, qui octroie aux projets de stockage de l’eau une présomption « d’intérêt général majeur ». Ce statut ne pourra pas être accordé aux « prélèvements au sein de nappes inertielles » et pourra être contesté au cas par cas devant la justice.
Les Sages valident le reste du texte
Concernant le reste du texte, le Conseil constitutionnel « valide les autres dispositions contestées » : fin de la séparation entre vente et conseil des pesticides (article 1), assouplissement des procédures d’ICPE en élevage (article 3). Seule exception : l’article 8 (renforcement des sanctions pour vignes non cultivées) est censuré, considéré comme un cavalier législatif. Les autres dispositions du texte sont inchangées (recours pour l’assurance des prairies, police environnementale, conseil stratégique phyto facultatif, etc.). Par ailleurs, les Sages ont validé « la procédure d’adoption de la loi », qui avait été marquée par une motion de rejet déposée par les partisans du texte.
Juste après l’annonce, Emmanuel Macron « a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel » et « promulguera la loi (…) dans les meilleurs délais », a indiqué l'Élysée. Il n'y aura donc pas de seconde délibération, ce qui était réclamé par les opposants au texte. Hormis les parlementaires – trois groupes d’élus de gauche avaient saisi le Conseil constitutionnel –, la proposition de loi avait fait l’objet durant l’été d’une pétition signée par plus de deux millions de Français.
La Conf’ veut « amplifier la mobilisation »
L’essentiel de la PPL Entraves ayant été validé, la FNSEA et les JA considèrent que « cette censure partielle ne remet pas en cause le cœur du texte » et que « cette loi pose des bases essentielles et attendues sur des sujets clés ». Pour la Confédération paysanne, en revanche, la décision du Conseil constitutionnel ne constitue « qu’une victoire en demi-teinte ». « Cela n’enlève en rien l’intention première de ce texte : accélérer la fuite en avant de l’agriculture vers un modèle toujours plus productiviste », estime le syndicat dans un communiqué. Ses militants étaient devant le Conseil constitutionnel le 7 août et appellent à « amplifier la mobilisation et à la renforcer, dès la rentrée ».